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commune paraissait quelque chose de peu distingué. De toutes parts, il se forma dans l’Église des petites aristocraties, qui faillirent déchirer la tunique inconsutile du Christ. Deux de ces aristocraties se dessinèrent avec une rare originalité. L’une d’elles, une aristocratie de piété, fut le montanisme. L’autre, une aristocratie de science, fut le gnosticisme.

Cette dernière se manifesta la première en date. À des esprits initiés aux subtilités philosophiques du temps, les idées et le régime de l’Église devaient sembler quelque chose d’assez humble. La moyenne de bon sens relatif où se tenait l’orthodoxie ne convenait pas à tous. Les raffinés prétendaient avoir sur les dogmes et la vie de Jésus des sens plus élevés que le vulgaire, qui prenait simplement les choses et s’abandonnait sans raisonner à la direction des pasteurs. On chercha du sublime dans des enseignements qui voulaient être reçus avec la gaieté de l’âme pure et embrassés avec la simplicité de la foi[1].

Jésus et ses disciples immédiats avaient tout à fait négligé la partie de l’esprit humain qui désire savoir ; ils ne firent aucune part à la connaissance ; ils ne s’adressèrent qu’au cœur et à l’imagination. La cosmologie, la psychologie et même la haute spé-

  1. Irénée, Adv. hær., I, proœm., 1.