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leste, s’appela le pauvre, le chéri de Dieu. Ébion était ainsi souvent employé au sens collectif[1], à peu près comme Israël, ou comme l’ont été chez nous des personnifications telles que « Jacques Bonhomme ». Dans les parties éloignées de l’Église, pour lesquelles les bons pauvres de Batanée furent bientôt des étrangers, Ébion devint un personnage, prétendu fondateur de la secte des ébionites[2].

Le nom par lequel les sectaires étaient désignés chez les autres populations de la Batanée était celui de « Nazaréens » ou « Nazoréens »[3]. On savait que Jésus, ses parents, ses premiers disciples étaient de Nazareth ou des environs ; on les désignait par leur lieu d’origine[4]. On a supposé, non sans raison peut-être, que le nom de « nazaréens » s’appliqua surtout aux chrétiens de Galilée réfugiés en Batanée[5], tandis

  1. Épiphane, hær. xxx, 18.
  2. Voir Vie de Jésus, p. 189. Ajoutez à la liste des Pères qui ont cru à l’existence d’un Ébion, Victorin de Pettau, Bibl. max. Patrum (Lugd.), III, p. 418, et l’interpolateur d’Ignace, ad Philad., § 6. Le raisonnement d’Hégésippe (dans Eus., H. E., IV, xxii, 5) explique cette erreur. C’est ainsi qu’Hégésippe lui-même suppose un Masbothée pour expliquer les masbothéens.
  3. Voir les Apôtres, p. 235.
  4. Épiph., hær. xxix, 1, 4, 5, 6 ; Jules Africain, dans Eus., H. E., I, vii, 14. C’est par confusion et faute de connaître l’orthographe hébraïque que l’on a cru voir une relation entre ce mot et l’ascétisme des nazirs.
  5. Voir l’Antechrist, p. 278.