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Jourdain. L’attente de la catastrophe finale était arrivée au plus haut degré de vivacité. Les trois ans et demi que l’Apocalypse fixait comme échéance à ses prédictions conduisaient jusque vers le mois de juillet 72.

La destruction du temple avait sûrement été pour les chrétiens une surprise. Ils n’y avaient pas cru plus que les juifs. Par moments, ils s’étaient figuré Néron l’Antechrist revenant de chez les Parthes, marchant sur Rome avec ses alliés, la saccageant, puis se mettant à la tête des armées de Judée, profanant Jérusalem et massacrant le peuple des justes rassemblé sur la colline de Sion[1] ; mais personne ne supposait que le temple disparaîtrait[2]. Un événement aussi prodigieux, une fois arrivé, dut achever de les mettre hors d’eux-mêmes. Les malheurs de la nation juive furent regardés comme une punition du meurtre de Jésus et de Jacques[3]. En y réfléchissant, on se prit à trouver que Dieu avait été en tout cela d’une grande bonté pour ses élus. C’était à cause

  1. Carm. sib., V, 146-153.
  2. Voir l’Antechrist, p. 401.
  3. Hégésippe (judéo-chrétien), dans Eus., H. E., II, xxiii, 18. Il fallait que cette idée fût bien répandue pour que Mara, fils de Sérapion, qui n’était, ce semble, pas chrétien, l’ait adoptée (Cureton, Spicil. syr., p. 73-74). Cet auteur appartient, selon nous, à la seconde moitié du IIe siècle.