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synoptiques, Jésus appelle directement Jacques « mon frère[1] », expression toute exceptionnelle et qu’on n’eût certainement pas employée pour un cousin-germain.

Jésus eut de vrais frères, de vraies sœurs. Seulement il est possible que ces frères et ces sœurs ne fussent que des demi-frères, des demi-sœurs. Ces frères et ces sœurs étaient-ils aussi fils ou filles de Marie ? Cela n’est pas probable. Les frères, en effet, paraissent avoir été beaucoup plus âgés que Jésus. Or Jésus fut, à ce qu’il paraît, le premier-né de sa mère[2]. Jésus, d’ailleurs, fut dans sa jeunesse désigné à Nazareth par le nom de « fils de Marie ». Nous avons à cet égard le témoignage du plus historique des Évangiles[3]. Cela suppose qu’il fut longtemps connu comme fils unique de veuve. De pareilles appellations, en effet, ne s’établissent que quand le père n’est plus et que la veuve n’a pas d’autre fils. Citons l’exemple du célèbre peintre Piero della Francesca. Enfin le mythe de la virginité de Marie, sans exclure absolument l’idée que Marie ait eu ensuite d’autres enfants de Joseph ou se soit remariée, se combine mieux avec l’hypothèse où elle n’aurait eu qu’un fils.

Certes la légende sait faire à la réalité toutes les violences. Il faut songer cependant que la légende dont il s’agit en ce moment s’est élaborée dans le cercle même des frères et des cousins de Jésus. Jésus, fruit unique et tardif de l’union d’une jeune femme avec un homme

  1. Hilgenfeld, Nov. Test, extra can. rec., IV, p. 17-18, 29.
  2. Luc, ii, 7, témoignage faible, il est vrai, puisque Luc croit que Marie était vierge quand elle conçut Jésus.
  3. Marc, vi, 3. Cf. Vie de Jésus, p. 74.