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la douceur du bon juif restaient à toute épreuve. Schammaï et Hillel, bien que morts depuis longtemps[1], étaient comme les têtes de file de deux familles opposées[2], l’une représentant le côté étroit, malveillant, subtil, matérialiste, l’autre le côté large, bienveillant, idéaliste du génie religieux d’Israël. Le contraste était frappant. Humbles, polis, affables, mettant toujours le sentiment des autres avant le leur, les hillélites, comme les chrétiens, avaient pour principe que Dieu élève celui qui s’humilie et humilie celui qui s’élève, que les grandeurs fuient devant celui qui les recherche et recherchent celui qui les fuit, que celui qui veut presser le temps n’obtient rien de lui, tandis que celui qui sait reculer devant le temps l’a pour auxiliaire[3].

Chez les âmes vraiment pieuses, des sentiments singulièrement hardis se faisaient jour parfois. D’une part, cette libérale famille des Gamaliel, qui avait pour principe, dans ses rapports avec les païens, de soigner leurs pauvres, de les saluer avec politesse,

  1. Il faut tenir compte de cela pour bien apprécier la valeur de ces expressions « disciples de Hillel », « disciples de Schammaï », qui, si on les prenait à la lettre, donneraient à la vie des deux maîtres une longueur démesurée.
  2. Voir l’opinion des nazaréens, dans saint Jérôme, sur Is., viii, 14.
  3. Talm. de Bab., Erubin, 13 b.