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pour objet l’annexion à l’empire de l’Arménie, de l’Osrhoène, de la Mygdonie, des pays qui, en effet, à partir des campagnes de Lucius Verus et de Septime Sévère, appartinrent à l’empire, eût été raisonnable. Mais Trajan ne se rendit pas un compte suffisant de l’état de l’Orient. Il ne vit pas qu’au delà de la Syrie, de l’Arménie, du nord de la Mésopotamie, dont il est facile de faire un boulevard à la civilisation occidentale, s’étend le vieil Orient, pénétré de nomades, contenant à côté des villes des populations indociles, qui rendent l’ordre à la façon européenne impossible à établir. Cet Orient-là n’a jamais été vaincu par la civilisation d’une manière durable ; la Grèce même n’y régna que d’une façon passagère. Tailler des provinces romaines dans ce monde totalement différent par le climat, les races, la manière de vivre de ce que Rome avait assimilé jusque-là, était une chimère. L’empire, qui avait besoin de toutes ses forces contre la poussée germanique sur le Rhin et le Danube, allait se préparer sur le Tigre une lutte non moins difficile ; car, en supposant que le Tigre fut réellement devenu dans tout son cours un fleuve frontière, Rome n’aurait pas eu derrière ce grand fossé l’appui des solides populations gauloises et germaniques de l’Occident. Pour n’avoir pas bien compris cela, Trajan fit une faute qu’on ne