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loux, susceptibles, s’attaquant pour des motifs tout personnels, ils passaient leur temps, entre Iabné et Lydda, à s’excommunier pour des puérilités. Le nom de « pharisien » avait été jusque-là pris par les chrétiens en bonne part[1]. Jacques et en général les parents de Jésus furent des pharisiens très-exacts. Paul lui-même se vante d’être « pharisien, fils de pharisien[2] ». Mais, depuis le siège, la guerre fut ouverte. En recueillant les paroles traditionnelles de Jésus, on se laissa dominer par ce changement de situation. Le mot « pharisien », dans les Évangiles ordinaires, comme plus tard le mot « juif » dans l’Évangile dit de Jean, est employé comme synonyme d’ennemi de Jésus. La dérision de la casuistique fut un des éléments essentiels de la littérature évangélique et une des causes de son succès. L’homme vraiment vertueux, en effet, n’a rien tant en horreur que le pédantisme moral. Pour se laver à ses propres yeux du soupçon de duperie, il a besoin de douter par moments de sa propre œuvre, de ses propres mérites. Celui qui prétend faire son salut par des recettes infaillibles lui semble l’ennemi capital de Dieu. Le pharisaïsme devient ainsi quelque chose de pire que le vice, car il rend la vertu ridi-

  1. Voir Saint Paul, 73, 77, 520.
  2. Act., xxiii, 6 ; xxvi, 5 ; Phil., iii, 5.