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déception cruelle, et il fallut, pour justifier la prophétie de Jésus, recourir à des subtilités. Il n’était pas vrai, disaient les amis de Jean, que Jésus eût annoncé que son apôtre chéri resterait en vie jusqu’à sa réapparition. Il avait dit seulement à Pierre : « Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, que t’importe[1] ? » Formule vague, qui laissait le champ ouvert à toute sorte d’explications et permettait de croire que Jean, comme Hénoch, Élie, Esdras, était tenu en réserve jusqu’au retour du Christ[2]. C’était ici, en tout cas, un moment solennel. Personne ne pouvait plus dire : « Je l’ai vu. » Jésus et les premières années de l’Église de Jérusalem se perdirent dans un lointain obscur. L’importance passa dès lors à ceux qui avaient connu les apôtres, à Marc et à Luc, disciples de Pierre et de Paul, aux filles de Philippe, continuatrices de ses dons merveilleux. Polycarpe, toute sa vie, allégua les rapports qu’il

  1. Jean, xxi, 21-23. Une partie de la tradition voulut qu’il fût descendu vivant dans le tombeau, où il dort jusqu’à la résurrection. Saint Ambroise, In Psalm. cxviii, serm. xx, 12 (Opp, I, col. 1225) ; saint Jérôme, Adv. Jovin., I, c. 26, p. 168, IV, 2e part., édit. Martianay ; saint Augustin, Tract. in Joh. Evang., 124 ; Isidore de Séville, De ortu et obitu patrum, c. 43, Migne, t. III, p. 1288-1289 (voir Revue critique, 6 avril 1872, p. 211-212) ; Grég. de Tours, I, 24.
  2. Cf. Saint Hippolyte, De consumm. mundi, § 21 ; Muspilli, dans les Berichte de la Soc. de Saxe, t. XVIII (1866), p. 216-217.