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les collections de logia, ne faisaient qu’un seul discours adressé aux Douze[1]. Ce chiffre de soixante et dix ou de soixante et douze[2] avait d’ailleurs l’avantage de répondre au nombre des nations de la terre, comme le chiffre douze répondait aux tribus d’Israël. C’était une opinion, en effet, que Dieu avait partagé la terre entre soixante et douze nations, à chacune desquelles préside un ange[3]. Ce chiffre était mystique ; outre les soixante et dix anciens de Moïse[4] il y avait les soixante et onze membres du sanhédrin, les soixante et dix ou soixante et douze traducteurs grecs de la Bible. La pensée secrète qui a dicté à Luc cette addition si grave aux textes évangéliques est donc évidente. Il s’agit de sauver la légitimité de l’apostolat de Paul, de présenter cet apostolat comme parallèle au pouvoir des Douze, de montrer qu’on peut être apôtre sans être des Douze, ce qui était justement la thèse de Paul. Les Soixante et Dix chassent les démons et ont les mêmes pouvoirs surnaturels que les apôtres[5]. Les Douze, en un mot, n’épuisent pas l’apos-

  1. Luc, ix, 1-6 ; x, 1 et suiv.
  2. Ces deux nombres se confondaient souvent. Comparez les Septante, qui sont au nombre de soixante et douze dans pseudo-Aristéas.
  3. Recogn. et Hom., l. c. Cf. notes de Cotelier. Dans Gen., x, on comptait soixante et dix peuples. Cf. Horapollon, Hierogl., I, 14.
  4. Comp. Epist. Petri ad Jac., 1, 2 (en tête des Homélies pseudo-clémentines).
  5. Luc, x, 17 et suiv.