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mais il y a eu pourtant quelqu’un qui a émis pour la première fois tel beau mot, telle anecdote significative. Luc a été souvent ce quelqu’un. La source des logia était tarie, et, à vrai dire, nous croyons que, hors de la Syrie, il ne s’en produisit jamais beaucoup[1]. Au contraire, la liberté de l’agada se montre tout entière dans le droit que Luc se donne de remanier ses documents selon ses convenances, de tailler, d’intercaler, de transposer, de combiner à sa guise, pour obtenir l’arrangement qui lui paraît le meilleur. Pas une fois il ne se dit : Si l’histoire est vraie comme ceci, elle ne l’est pas comme cela. Le vrai matériel n’est rien pour lui ; l’idée, le but dogmatique et moral sont tout. J’ajouterai même : l’effet littéraire. Ainsi il est possible que ce qui l’a porté à ne pas admettre les faisceaux de logia constitués avant lui, ou même à les diviser violemment, soit un scrupule de son goût délicat, qui lui a fait trouver ces groupements artificiels et un peu lourds. Rien n’égale l’habileté avec laquelle il découpe les recueils antérieurs, crée des encadrements aux logia ainsi désagrégés, les enchâsse, les sertit comme de petits brillants dans des récits délicieux qui les provoquent, les amènent. L’art

  1. Pas un seul des logia qui n’ait une forte empreinte syrienne. Notez, par exemple, le toit syrien dans Matth., x, 27 ; Luc, xii, 3 ; image qui n’a de sens ni en Asie Mineure, ni en Grèce,