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gula et de Néron avaient été de vils Orientaux, étrangers à la société romaine et satisfaits quand ils étaient riches. Les délateurs de Domitien, sortes de Fouquier-Tinville, sinistres et blêmes, frappaient à coup sûr. L’empereur concertait avec les accusateurs et les faux témoins ce qu’il fallait qu’ils dissent ; il assistait ensuite lui-même aux tortures, se divertissait de la pâleur peinte sur tous les visages, et semblait compter les soupirs qu’arrachait la pitié. Néron s’épargnait la vue des crimes qu’il ordonnait. Celui-ci voulait tout voir. Il avait des raffinements de cruauté sans nom. Son esprit était tellement dissimulé, qu’on l’offensait également en le flattant et en ne le flattant pas ; sa défiance, sa jalousie, n’avaient pas de bornes. Tout homme estimé, tout homme de cœur était pour lui un rival[1]. Néron, du moins, n’en voulait qu’aux chanteurs et ne tenait pas nécessairement tout homme d’État, tout militaire supérieur, pour un ennemi.

Le silence, pendant ce temps, fut effroyable. Le sénat passa quelques années dans une morne stupeur. Ce qu’il y avait de terrible, c’est qu’on n’entrevoyait aucune issue. L’empereur avait trente-six ans. Les accès de fièvre du mal qu’on avait vus jusque-là

  1. Tacite, Agric., 41.