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réellement l’ouvrage de Matthieu ; mais, au bout de cinquante ou soixante ans, les moyens de démêler une question aussi compliquée devaient lui manquer.

Ce qui est certain, en tout cas, c’est que l’œuvre attribuée à Matthieu n’eut pas l’autorité que son titre ferait supposer et ne passa pas pour définitive. Il y eut beaucoup de tentatives analogues que nous n’avons plus[1]. Le nom même d’un apôtre ne suffisait pas pour recommander un travail de ce genre[2]. Luc, qui n’était pas apôtre, et que nous verrons bientôt reprendre la tentative d’un Évangile résumant les autres et les rendant inutiles, ignorait, selon toutes les probabilités, l’existence de l’Évangile dit selon Matthieu.

  1. Πολλοί. Luc, i, 1-2. Matthieu n’est pas un de ces πολλοί (voir ci-après, p. 257 et suiv.) ; Marc en était un. Luc distingue nettement les rédacteurs d’Évangiles, dont aucun n’était apôtre, des αὐτόπται et ὑπηρέται τοῦ λόγου, dont les πολλοί ont reçu la παράδοσις.
  2. L’auteur de l’Épître dite de Barnabé (ch. 4, 7, etc.), écrite, ce semble, vers 97, cite surtout l’Évangile de Matthieu. Cependant il rapporte des mots de Jésus plus conformes à Luc qu’à Matthieu (ch. 19). Son système sur la résurrection et l’ascension (ch. 15) est conforme au troisième Évangile. Il a des mots de Jésus qui lui sont propres (ch. 6). L’auteur de la IIª Petri (i, 21) se sert aussi de Matthieu.