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principe, il ne l’appliquait qu’avec les personnes dont il était tout à fait sûr, par exemple avec les dames de Philippes. Comme Paul, le voyageur apostolique est couvert, dans les dangers de la route, par une protection divine ; il se joue des serpents, les poisons ne l’atteignent pas[1]. Son lot sera la haine du monde, la persécution… Le dire traditionnel exagère toujours le trait primitif. C’est là en quelque sorte une nécessité mnémotechnique, la mémoire retenant mieux les mots fortement aiguisés et hyperboliques que les sentences mesurées. Jésus était trop profond connaisseur des âmes pour ne pas savoir que la rigueur, l’exigence est la meilleure manière de les gagner et de les retenir sous le joug. Nous ne croyons pas cependant qu’il soit jamais allé aux excès qu’on lui attribue[2], et le feu sombre qui anime les instructions apostoliques nous paraît en partie un reflet des ardeurs fiévreuses de Paul.

L’auteur de l’Évangile selon Matthieu n’a pas de parti arrêté dans les grandes questions qui divisaient l’Église. Il n’est ni juif exclusif à la manière de Jacques, ni juif relâché à la façon de Paul[3]. Il sent la

  1. Finale postérieure de Marc, xvi, 18. Ces deux traits paraissent faire allusion à l’aventure de Paul à Malte et au miracle de Joseph Barsabbas que les filles de Philippe racontèrent à Papias. Eus., H. E., III, xxxix, 9. Cf. Luc, ix, 19.
  2. Voir Vie de Jésus, p. 320 et suiv.
  3. On peut citer, dans le sens juif strictement légal : v, 17-20 ;