Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les instructions apostoliques, telles que notre Évangile les présente[1], semblent à quelques égards procéder d’un idéal de l’apôtre formé sur le modèle de Paul. L’impression laissée par la vie du grand voyageur évangélique avait été profonde. Plusieurs apôtres avaient déjà souffert le martyre pour avoir porté aux peuples les appels de Jésus[2]. On se figurait le prédicateur chrétien comparaissant devant les rois, devant les tribunaux les plus élevés, et là proclamant Christ[3]. Le premier principe de cette éloquence apostolique était de ne pas préparer ses discours. L’Esprit saint devait sur l’heure inspirer au missionnaire ce qu’il devait dire. En voyage, nulle provision, nul argent, pas même une sacoche, pas même un vêtement de rechange, pas même un bâton[4]. L’ouvrier mérite son pain quotidien. Quand le missionnaire apostolique est entré dans une maison, il peut sans scrupule y rester, mangeant et buvant ce qu’on lui sert, sans se croire obligé de donner en retour autre chose que la parole et des souhaits de salut. C’était bien là le principe de Paul[5] ; mais ce

  1. Matth., x, 5-42 ; ajoutez ix, 37-38.
  2. Matth., xxii, 6.
  3. Comp. Épître de Clément Romain, ch. 5.
  4. Notez l’exagération croissante de Marc, vi, 8, à Matth., x, 10, et à Luc, ix, 3.
  5. Voir Saint Paul, p. 148, 220, 448 ; l’Antechrist, p. 19.