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qu’il joua un rôle odieux[1]. Dans l’Évangile nazaréen, au contraire, Jacques est honoré d’une apparition de Jésus ressuscité ; cette apparition est la première de toutes ; elle est pour lui seul ; elle est la récompense du vœu, plein de foi vive, que Jacques avait fait de ne plus manger ni boire jusqu’à ce qu’il vît son frère ressuscité. On pourrait être tenté de regarder ce récit comme un remaniement assez moderne de la légende, sans une circonstance capitale. Saint Paul, en l’an 57, nous apprend également que, selon la tradition qu’il avait reçue, Jacques avait eu sa vision[2]. Voilà donc un fait important que les évangélistes grecs ont supprimé, et que l’Évangile hébreu racontait. En revanche, il semble que la première rédaction hébraïque renfermait plus d’une allusion contre Paul. Des gens ont prophétisé et chassé les démons au nom de Jésus ; au grand jour, Jésus les repousse « parce qu’ils ont pratiqué l’illégalité »[3]. La parabole de l’ivraie est plus caractéristique encore. Un homme

  1. Voir Vie de Jésus, p. 139, 160, 348.
  2. I Cor., xv, 7.
  3. Ἐργαζόμενοι τὴν ἀνομίαν. Matth., vii, 21-23 (comp. Ps. xiv, 4, trad. grecque). Ce passage est habilement retourné par Luc contre les juifs. Luc, xiii, 24 et suiv. L’expression de ἄνομοι, υἱοὶ ἀνομίας, etc., était le nom que les ébionites donnaient aux disciples de Paul. C’est peut-être exprès que Luc (xiii, 37) change cette expression en ἐργάται ἀδικίας.