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de l’Église ont trouvé que cet Évangile hébreu ressemblait beaucoup à l’Évangile grec qui porte le nom de saint Matthieu. Ils en tirent le plus souvent la conséquence que l’Évangile grec dit de saint Matthieu a été traduit de l’hébreu[1]. C’est là une conséquence erronée. La génération de notre Évangile selon saint Matthieu a suivi des voies plus compliquées. La ressemblance de cet Évangile avec l’Évangile selon les Hébreux n’allait pas jusqu’à l’identité[2]. Notre Évangile selon saint Matthieu n’est rien moins qu’une traduction. Nous expliquerons plus tard comment, de tous les textes évangéliques, il est celui qui se rapproche le plus du prototype hébreu.

La destruction des judéo-chrétiens de Syrie amena la disparition de ce texte hébreu. Les traductions grecques et latines, qui faisaient une dissonance désagréable à côté des Évangiles canoniques,

  1. Voir surtout Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 6 ; Apollinaris, dans Chron. pasc., p. 6 (Paris) ; Irénée, I, xxvi, 2 ; III, xi, 7 ; Épiphane, hær. xxviii, 5 ; xxix, 9 ; xxx, 3, 6, 13, 14 ; saint Jérôme, passages cités.
  2. Si les deux ouvrages avaient été identiques, saint Jérôme n’eût pas pris la peine de traduire l’Évangile des Hébreux. Les fragments que nous possédons de ce dernier Évangile s’écartent souvent beaucoup de saint Matthieu (par exemple, xxviii, 1-10, 18-20). Dans Matthieu, le πνεῦμα ἅγιον joue le rôle de père de Jésus ; dans l’Évangile hébreu, il jouait le rôle de mère, par suite du genre féminin du mot rouah. Voir ci-après, p. 106.