Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

paperasses qui contenaient les opinions des docteurs. La gloire d’un savant était de pouvoir citer de mémoire le plus grand nombre possible de solutions de casuistes. En présence de ces faits, loin de s’étonner du dédain de Papias pour les textes évangéliques existant de son temps, textes parmi lesquels étaient sûrement deux des livres que la chrétienté a ensuite si fort révérés, on arrive à le trouver parfaitement conforme à ce qu’on devait attendre d’un homme de tradition, d’un « homme ancien », comme l’appellent ceux qui ont parlé de lui.

Nous doutons que, avant la mort des apôtres et avant la destruction de Jérusalem, tout cet ensemble de récits, de sentences, de paraboles, de citations prophétiques ait été mis par écrit. C’est vers l’an 75 que nous plaçons par conjecture le moment où l’on esquissa les traits de l’image devant laquelle dix-huit siècles se sont prosternés. La Batanée, où résidaient les frères de Jésus et où s’étaient réfugiés les restes de l’Église de Jérusalem, paraît avoir été le pays où s’exécuta cet important travail. La langue dont on se servit[1] fut celle dans laquelle étaient conçues les paroles mêmes de Jésus, que l’on savait par cœur, c’est-à-dire le syro-chaldaïque, qu’on appelait abusivement l’hébreu. Les frères de Jésus, les

  1. Les preuves de l’existence d’un Évangile hébreu sont les