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écrits. La tradition vivante[1] était le grand réservoir où tous puisaient. De là l’explication de ce fait, en apparence surprenant, que les textes qui sont devenus ensuite la partie la plus importante du christianisme se sont produits obscurément, confusément, et n’ont été entourés d’abord de presque aucune considération[2].

Le même phénomène se retrouve, du reste, dans presque toutes les littératures sacrées. Les Védas ont traversé des siècles sans être écrits ; un homme qui se respectait devait les savoir par cœur. Celui qui avait besoin d’un manuscrit pour réciter ces hymnes antiques faisait un aveu d’ignorance ; aussi les copies n’en ont-elles jamais été estimées. Citer de mémoire la Bible, le Coran, est encore de nos jours un point d’honneur pour les Orientaux[3]. Une partie de la Thora juive a dû être orale, avant d’être rédigée. Il en a été de même pour les Psaumes. Le Talmud, enfin, exista près de deux cents ans sans être écrit. Même après qu’il fut écrit, les savants préférèrent longtemps les discours traditionnels aux

  1. Ζώση φωνὴ καὶ μενούση. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 4. Comp. La lettre d’Irénée à Florinus, Eus., H. E., V, 20.
  2. Voir surtout Papias, dans Eus., endroit cité.
  3. La plupart des citations de l’Ancien Testament qui se trouvent dans les écrits du Nouveau sont faites de mémoire.