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l’Évangile, à peu près comme, dans les drames persans de nos jours sur la mort des Alides, la marche de l’action est réglée, tandis que les parties banales sont laissées à l’improvisation de l’acteur. Destiné à la prédication, à l’apologie, à la conversion des juifs, le récit évangélique eut toute son individualité avant d’être écrit. On eût parlé aux disciples galiléens, aux frères du Seigneur, de la nécessité d’avoir des feuillets où ce récit fût revêtu d’une forme consacrée, ils eussent souri. Avons-nous besoin d’un papier pour retrouver nos pensées fondamentales, celles que nous répétons ou appliquons tous les jours ? Les jeunes catéchistes pouvaient recourir pendant quelque temps à de pareils aide-mémoire ; les vieux maîtres n’éprouvaient que du dédain pour ceux qui s’en servaient[1].

Voilà comment il se fait que, jusqu’au milieu du IIe siècle, les paroles de Jésus continuent à être citées de souvenir, avec des variantes considérables[2]. Les textes évangéliques que nous possédons existaient ; mais d’autres textes du même genre existaient à côté d’eux, et d’ailleurs, pour citer les paroles ou les traits symboliques de la vie de Jésus, on ne se croyait nullement obligé de recourir à ces textes

  1. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 4.
  2. C’est ce que l’on verra dans le tome VI de cet ouvrage, surtout à propos de saint Justin.