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par ce que nous lisons dans le Talmud des sentiments de Tarphon. Ce rabbi connaissait les Évangiles et les livres des mînim[1] ; mais, loin de les admirer, il voulait qu’on les brûlât. On lui faisait remarquer que pourtant le nom de Dieu y était souvent répété. « Je veux bien perdre mon fils, dit-il, si je ne jette au feu tous ces livres, dans le cas où ils me tomberaient sous la main, avec le nom de Dieu qu’ils contiennent. Un homme poursuivi par un assassin, ou menacé de la morsure d’un serpent, doit plutôt chercher un abri dans un temple d’idoles que dans les maisons des mînim ; car ceux-ci connaissent la vérité et la renient, tandis que les idolâtres renient Dieu, faute de le connaître[2]. »

Si un homme relativement modéré comme Tarphon se laissait emporter à de tels excès, qu’on imagine ce que devait être la haine dans ce monde ardent et passionné des synagogues, où le fanatisme de la Loi était porté à son comble. Le judaïsme orthodoxe n’eut pas assez d’anathèmes contre les mînim[3]. De bonne heure s’établit l’usage d’une triple malédiction, prononcée dans la synagogue le matin, à midi et le soir, contre les partisans de Jésus, compris sous

  1. הגליונין וספרי מינים. Le mot הגליונין, « les Évangiles », est du rédacteur de la Gémare, et non de Tarphon.
  2. Talm. de Bab., Schabbath, 116 a.
  3. Saint Épiph., hær. xxix, 9.