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« Le jour est court, le travail long ; les ouvriers sont paresseux ; le salaire est grand, le maître presse[1]. » « De notre temps, ajoutait-il, quand on dit à quelqu’un : « Ôte le fétu de ton œil, » on s’entend dire : « Ôte la poutre du tien[2]. » L’Évangile place une telle réplique dans la bouche de Jésus, réprimandant les pharisiens[3], et l’on est tenté de croire que la mauvaise humeur de Rabbi Tarphon venait d’une réponse du même genre qui lui avait été faite par quelque mîn. Le nom de Tarphon, en effet, fut célèbre dans l’Église. Au IIe siècle, Justin, voulant dans un dialogue mettre aux prises un juif et un chrétien, choisit notre docteur comme défenseur de la thèse juive et le mit en scène sous le nom de Tryphon[4].

Le choix de Justin et le ton malveillant qu’il prête à ce Tryphon contre la foi chrétienne sont justifiés

  1. Pirké Aboth, ii, 15.
  2. Talm. de Bab., Érachin, 15 b.
  3. Matth., vii, 4.
  4. Le titre ἀρχηγοῦ τῶν Ἰουδαίων (cf. Eusèbe, H. E., IV, xviii, 6) prouve bien qu’il s’agit dans Justin du célèbre Tarphon. Le nom de Tarphon était-il primitivement Τρύφων, ou bien est-ce là une assimilation artificielle de Justin ? On en peut douter. Le nom de Tryphon a été porté par des juifs (Philon, In Flacc., 10), mais n’était pas ordinaire. Le nom de Tarphon n’a été porté en hébreu que par notre docteur. Derenbourg, p. 376, note 1. — Le nom de Rabbi Tarphon se retrouve estropié dans saint Jérôme (Delphon.) In Is., viii, 14.