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il n’avait rien à craindre de la malveillance des juifs. Le pauvre logement du prisonnier était le centre d’une étonnante activité. Les folies de la Rome profane, ses spectacles, ses scandales, ses crimes, les ignominies de Tigellin, le courage de Thraséas, l’horrible destin de la vertueuse Octavie, la mort de Pallas touchaient peu nos pieux illuminés. La figure de ce monde passe, disaient-ils. La grande image d’un avenir divin leur faisait fermer les yeux sur la boue pétrie de sang où leurs pieds étaient plongés. Vraiment, la prophétie de Jésus était accomplie. Au milieu des ténèbres extérieures, où règne Satan, au milieu des pleurs et des grincements de dents, est fondé le petit paradis des élus. Ils sont là, en leur monde fermé, revêtu à l’intérieur de lumière et d’azur, dans le royaume de Dieu leur père. Mais au dehors, quel enfer !… O Dieu, qu’il est affreux de demeurer dans ce royaume de la Bête, où le ver ne meurt pas, où le feu ne s’éteint pas !

Une des plus grandes joies que Paul ressentit à cette époque de sa vie fut l’arrivée d’un message de sa chère Église de Philippes[1], la première qu’il eût fondée en Europe, et où il avait laissé tant d’affections dévouées. La riche Lydie, celle qu’il appelait « sa vraie

  1. Phil., i, 13, et ii, 23, semblent indiquer que ceci eut lieu peu de temps après l’arrivée de Paul à Rome.