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Græcina portait au cœur un deuil plus profond et peut-être de mystérieuses espérances. Elle fut remise, selon l’ancienne coutume, au jugement de son mari. Plautius assembla les parents, examina l’affaire en famille et déclara sa femme innocente. Cette noble dame vécut longtemps encore, tranquille sous la protection de son mari, toujours triste, et fort respectée. Il semble qu’elle ne dit son secret à personne[1]. Qui sait si les apparences que des observateurs superficiels prenaient pour une humeur sombre n’étaient pas la grande paix de l’âme, le recueillement calme, l’attente résignée de la mort, le dédain d’une société sotte et méchante, l’ineffable joie du renoncement à la joie ? Qui sait si Pomponia Græcina ne fut pas la première sainte du grand monde, la sœur aînée de Mélanie, d’Eustochie et de Paula[2] ?

Cette situation extraordinaire, si elle exposait l’Église de Rome aux contre-coups de la politique, lui donnait en retour une importance de premier ordre,

  1. Tac., Ann., XIII, 32.
  2. La famille des Pomponius Græcinus, selon certaines hypothèses, aurait eu, durant des siècles, une grande importance dans l’Église de Rome ; ce nom figurerait au cimetière de Saint-Calliste (inscription du iiie ou ive siècle, d’une restitution douteuse : de Rossi, Roma sotterranea, I, p. 306 et suiv. ; II, p. 360 et suiv. ; inscr. tav. xlix-l, no 27), L’identification de Pomponia