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vint évêque de Rome en l’an 154 au plus tôt. On est donc un peu serré pour trouver une place au voyage de Polycarpe. Les résultats de M. Waddington paraissant décisifs, s’il fallait, pour être conséquent à ces résultats, reculer un peu l’arrivée d’Anicet au pontificat, on ne devrait pas hésiter, vu surtout que les listes pontificales offrent un trouble à cet endroit, et que plusieurs listes mettent Anicet avant Pius. Il est regrettable que M. Lipsius, qui a donné récemment un très-bon travail sur la chronologie des évêques de Rome jusqu’au IVe siècle, n’ait pas connu le mémoire de M. Waddington ; il y eût trouvé la matière d’une importante discussion.

« Est-il vraisemblable, dit M. Scholten, qu’un vieillard déjà presque centenaire ait entrepris un tel voyage, et cela dans un temps où il était plus pénible de voyager que de nos jours ? » — Les voyages d’Éphèse ou de Smyrne à Rome étaient ce qu’il y avait de plus facile. Un négociant d’Hiérapolis nous apprend dans son épitaphe[1] qu’il a fait soixante-douze fois le voyage d’Hiérapolis en Italie en doublant le cap Malée ; ce négociant continua par conséquent ses traversées jusqu’à un âge aussi avancé que celui où Polycarpe fit son voyage de Rome. De telles navigations en été (on voyageait très-peu pendant l’hiver) n’entraînaient aucune fatigue. Il est possible que Polycarpe ait exécuté son voyage à Rome pendant l’été de 154, et ait souffert le martyre à Smyrne le 23 février 155[2]. L’hypothèse de M. Keim[3] d’après laquelle le Jean qu’aurait connu Polycarpe ne serait pas Jean l’apôtre, mais Presbyteros Johannes, est pleine d’invraisemblances. Si ce Presbyteros fut, comme nous le croyons, un

  1. Corpus inscr. græcarum, no 3920.
  2. Mém. de l’Acad., vol. cité, p. 240.
  3. Geschichte Jesu von Nazara, I, p. 101 et suiv.