Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/627

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Éphèse. C’était la première ou la dernière escale, selon les règles de la petite navigation décrite dans les Actes, et dont le principe essentiel était de s’arrêter autant que possible tous les soirs. Patmos ne pouvait être un but de voyage ; un homme allant à Éphèse ou venant d’Éphèse a seul pu y toucher. Même en admettant la non-authenticité de l’Apocalypse, les trois premiers chapitres de ce livre constituent donc une forte probabilité en faveur de la thèse du séjour de Jean en Asie, de la même manière que la Iª Petri, même apocryphe, est un très-bon argument pour le séjour de Pierre à Rome. Le faussaire, quelle que soit la crédulité du public auquel il s’adresse, cherche toujours à créer pour son écrit des conditions où il soit acceptable. Si l’auteur de la Iª Petri se croit obligé de dater son écrit de Rome ; si l’auteur de l’Apocalypse se figure donner un bon exorde à sa vision en la faisant écrire au seuil de l’Asie, presque en face d’Éphèse, et en l’adressant avec des conseils qui rappellent ceux d’un directeur de conscience aux Églises d’Asie, c’est que Pierre a été à Rome, c’est que Jean a été en Asie. Denys d’Alexandrie, dès la fin du IIIe siècle, sentit parfaitement ce que la question ainsi posée avait d’embarrassant[1]. Éprouvant contre l’Apocalypse cette antipathie que ressentirent tous les Pères grecs possédés du véritable esprit hellénique, Denys accumule les objections contre l’attribution d’un pareil écrit à l’apôtre Jean ; mais il reconnaît que l’ouvrage ne peut avoir été composé que par un personnage ayant vécu en Asie, et il se rabat sur les homonymes de l’apôtre ; tant ressort avec évidence cette proposition que l’auteur vrai ou supposé de l’Apocalypse s’est trouvé en rapport avec l’Asie.

  1. Cf. Eusèbe, H. E., VII, 25.