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point de vue de l’historien. Depuis vingt-cinq ans, en particulier, nous voyons l’école protestante libérale se laisser emporter à des excès de négation, où nous doutons que la science laïque, qui ne voit en ces études que de simples recherches intéressantes, doive la suivre. La situation religieuse en est venue à ce point qu’on croit rendre la défense des croyances surnaturelles plus facile en faisant bon marché des textes et en les sacrifiant largement qu’en maintenant leur authenticité. Je suis persuadé qu’une critique dégagée de toute préoccupation théologique trouvera un jour que les théologiens protestants libéraux de notre siècle ont été trop loin dans le doute, et qu’elle se rapprochera, non certes pour l’esprit, mais pour quelques résultats, des anciennes écoles traditionnelles.

Entre les écrits passés en revue par M. Scholten, l’Apocalypse tient naturellement le premier rang. C’est ici le point où l’illustre critique se montre le plus faible. De trois choses l’une : ou l’Apocalypse est de l’apôtre Jean, — ou elle est d’un faussaire qui a eu l’intention de la faire passer pour un ouvrage de l’apôtre Jean, — ou elle est d’un homonyme de l’apôtre Jean, tel que Jean-Marc ou l’énigmatique Presbyteros Johannes. Dans la troisième hypothèse, il est clair que l’Apocalypse n’a rien à voir avec le séjour de l’apôtre Jean en Asie ; mais cette hypothèse est bien peu plausible, et en tout cas, ce n’est pas celle qu’adopte M. Scholten. M. Scholten est pour la seconde hypothèse. Il croit l’Apocalypse apocryphe à la manière du livre de Daniel ; il pense que le faussaire a voulu, selon un procédé très-ordinaire chez les juifs du temps, se couvrir du prestige d’un personnage respecté, qu’il a choisi l’apôtre Jean comme une des colonnes de l’Église de Jérusalem, et qu’il s’est présenté aux Églises d’Asie sous ce nom vénérable. Un tel faux ne se concevant guère du vivant de l’apôtre, M. Scholten admet que Jean était mort avant 68.