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que lui, l’expression d’une opinion établie dans les Églises avant l’an 120 ou 130, et à laquelle on faisait des allusions comme à une chose connue de tous. Or on ne se figure pas que saint Pierre soit mort martyr ailleurs qu’à Rome. Ce n’est guère qu’à Rome, en effet, que la persécution de Néron eut de la violence. À Jérusalem, à Antioche, le martyre de Pierre s’explique beaucoup moins bien.

2o Le second raisonnement se tire du verset v, 13, de l’épître attribuée à Pierre. « Babylone, » en ce passage, désigne évidemment Rome. Si l’épître est authentique, le passage est décisif. Si elle est apocryphe, l’induction qui se tire dudit passage n’est pas moins forte. L’auteur, en effet, quel qu’il soit, veut faire croire que l’ouvrage en question est bien l’ouvrage de Pierre. Il a dû par conséquent, pour donner de la vraisemblance à sa fraude, disposer les circonstances de lieu d’une façon conforme à ce qu’il savait et à ce que l’on croyait de son temps sur la vie de Pierre. Si, dans une telle disposition d’esprit, il a daté la lettre de Rome, c’est que l’opinion reçue au temps où cette lettre fut écrite était que saint Pierre avait résidé à Rome. Or, en toute hypothèse, la Iª Petri est un ouvrage fort ancien, et qui jouit très-vite d’une haute autorité[1]

3o Le système qui sert de base aux Actes ébionites de saint Pierre est aussi bien digne de considération. Ce système nous montre saint Pierre suivant partout Simon le Magicien (entendez par là saint Paul) pour combattre ses fausses doctrines. M. Lipsius[2] a porté dans l’analyse de cette curieuse légende une admirable sagacité de critique. Il a

  1. Voir l’introduction en tête de ce volume, p. vii.
  2. Rœmische Petrussage, p. 13 et suiv., surtout p. 16, 18, 41-42. Cf. Recognit., I, 74 ; III, 65 ; Épître apocryphe de Clément à Jacques, en tête des Homélies, ch. 1.