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si les barbares ne l’eussent relevée. Mieux vaut, en effet, le règne de l’homme de guerre que le règne temporel du prêtre ; car l’homme de guerre ne gêne pas l’esprit ; on pense librement sous lui, tandis que le prêtre demande à ses sujets l’impossible, c’est-à-dire de croire certaines choses et de s’engager à les trouver toujours vraies.

Le triomphe de Rome était donc légitime à quelques égards. Jérusalem était devenue une impossibilité ; laissés à eux-mêmes, les Juifs l’eussent démolie. Mais une grande lacune devait rendre cette victoire de Titus infructueuse. Nos races occidentales, malgré leur supériorité, ont toujours montré une déplorable nullité religieuse. Tirer de la religion romaine ou gauloise quelque chose d’analogue à l’Église était une entreprise impossible. Or tout avantage remporté sur une religion est inutile, si on ne la remplace par une autre, satisfaisant au moins aussi bien qu’elle le faisait aux besoins du cœur. Jérusalem se vengera de sa défaite ; elle vaincra Rome par le christianisme, la Perse par l’islamisme, détruira la patrie antique, deviendra pour les meilleures âmes la cité du cœur. La plus dangereuse tendance de sa Thora, loi en même temps morale et civile, donnant le pas aux questions sociales sur les questions militaires et politiques, dominera dans l’Église. Durant tout le moyen