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ennemie de la civilisation, la plus grande défaite qu’elle eût jamais reçue. C’était le triomphe du droit romain, ou plutôt du droit rationnel, création toute philosophique, ne présupposant aucune révélation, sur la Thora juive, fruit d’une révélation. Ce droit, dont les racines étaient en partie grecques, mais où le génie pratique des Latins eut une si belle part, était le don excellent que Rome faisait aux vaincus en retour de leur indépendance. Chaque victoire de Rome était un progrès de la raison ; Rome apportait dans le monde un principe meilleur à plusieurs égards que celui des Juifs, je veux dire l’État profane, reposant sur une conception purement civile de la société. Tout effort patriotique est respectable ; mais les zélotes n’étaient pas seulement des patriotes ; c’étaient des fanatiques, sicaires d’une tyrannie insupportable. Ce qu’ils voulaient, c’était le maintien d’une loi de sang, qui permettait de lapider le mal pensant. Ce qu’ils repoussaient, c’était le droit commun, laïque, libéral, qui ne s’inquiète pas de la croyance des individus. La liberté de conscience devait sortir à la longue du droit romain, tandis qu’elle ne fût jamais sortie du judaïsme. Du judaïsme ne pouvait sortir que la synagogue ou l’Église, la censure des mœurs, la morale obligatoire, le couvent, un monde comme celui du Ve siècle, où l’humanité eût perdu toute sa vigueur,