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sont tour à tour des calmes plats, et, quand on s’engage dans les canaux étroits, des vents obstinés. On n’est nullement maître de soi ; on touche où l’on peut et non où l’on veut.

Des hommes aussi ardents que ces âpres et fanatiques descendants des vieux prophètes d’Israël portaient leur imagination partout où ils se trouvaient, et cette imagination était si uniquement renfermée dans le cercle de l’ancienne poésie hébraïque, que la nature qui les entourait n’existait pas pour eux. Patmos ressemble à toutes les îles de l’Archipel : mer d’azur, air limpide, ciel serein, rochers aux sommets dentelés, à peine revêtus par moments d’un léger duvet de verdure. L’aspect est nu et stérile ; mais les formes et la couleur du roc, le bleu vif de la mer, sillonnée de beaux oiseaux blancs, opposé aux teintes rougeâtres des rochers, sont quelque chose d’admirable. Ces myriades d’îles et d’îlots, aux formes les plus variées, qui émergent comme des pyramides ou comme des boucliers sur les flots, et dansent une ronde éternelle autour de l’horizon, semblent le monde féerique d’un cycle de dieux marins et d’Océanides, menant une brillante vie d’amour, de jeunesse et de mélancolie, en des grottes d’un vert glauque, sur des rivages sans mystère, tour à tour gracieux et terribles, lumineux et sombres. Calypso et