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Virgile ; ils furent également l’un des facteurs essentiels de la littérature apocalyptique. Le juif qui débarquait à Pouzzoles, pour aller trafiquer ou intriguer à Rome[1], voyait cette terre fumante par tous ses pores, sans cesse ébranlée, qu’on lui disait peuplée dans ses entrailles de géants et de supplices[2] ; la Solfatare surtout lui paraissait le puits de l’abîme, le soupirail à peine fermé de l’enfer. Le jet continu de vapeur sulfureuse qui s’échappe de son ouverture n’était-il pas à ses yeux la preuve manifeste de l’existence d’un lac de feu souterrain, destiné évidemment, comme le lac de la Pentapole, à la punition des pécheurs[3] ? — Le spectacle moral du pays ne l’étonnait pas moins. Baïa était une ville d’eaux et de bains, le centre du luxe et des plaisirs, l’endroit des maisons de campagne à la mode, le séjour favori de la société légère[4]. Cicéron se fit du tort auprès des

  1. V. Saint Paul, p. 113-114, et ci-dessus, p. 10. note 3.
  2. Strabon, V, iv, 4, 5, 6, 9 ; VI, iii, 5 ; Diod. Sic., IV, 21. Ces mythes titaniques grecs avaient été adoptés par les Juifs. Voir Hénoch, x, 12.
  3. Apoc., xiv, 10 ; xix, 20 ; xx, 9 ; xxi, 8. L’aspect de la Solfatare paraît avoir été dans l’antiquité plus volcanique qu’aujourd’hui ; la plaine qui en fait le fond était couverte de soufre à l’état pulvérulent ; il semble qu’on n’y voyait pas de végétation (Strabon. V, iv, 6).
  4. Cicéron, Pro Cælio, 20.