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fléaux naturels se produisaient de toutes parts[1], et tenaient les âmes dans une espèce de terreur.

Quand on lit l’Apocalypse sans en connaître la date et sans en avoir la clef, un tel livre paraît l’œuvre de la fantaisie la plus capricieuse et la plus individuelle ; mais, quand on replace l’étrange vision en cet interrègne de Néron à Vespasien, où l’empire traversa la crise la plus grave qu’il ait connue, l’œuvre se trouve dans un merveilleux accord avec l’état des esprits[2] ; nous pouvons ajouter avec l’état du globe ; car nous verrons bientôt que l’histoire physique de la terre à la même époque y fournit des éléments. Le monde était affolé de miracles ; jamais on ne fut si occupé de présages. Le Dieu Père paraissait avoir voilé sa face ; des larves impures, des monstres sortis d’un limon mystérieux semblaient errer dans l’air. Tous se croyaient à la veille de quelque chose d’inouï. La croyance aux signes du temps et aux prodiges était universelle ; à peine quelques centaines d’hommes instruits en voyaient-ils la vanité[3]. Des charlatans, dépositaires plus ou moins authentiques des vieilles chimères de Babylone, exploitaient

  1. Juvénal, vi, 409-411.
  2. Voir surtout Tacite, Hist., I, 3, 18. Cf. Ann., XV, 47.
  3. Pline l’Ancien, le savant du temps, est d’une extrême crédulité. Les historiens les plus sérieux, Suétone, Dion Cassius