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L’étrangeté du spectacle auquel on assistait laissait peu d’âmes dans le droit sens. On avait poussé la nature humaine aux limites du possible ; il restait le vide au cerveau qui suit les accès de fièvre ; partout des spectres, des visions de sang. On racontait qu’au moment où Néron sortit de la porte Colline pour se réfugier à la villa de Phaon, un éclair lui donna dans les yeux, qu’en même temps la terre trembla, comme si elle se fût entr’ouverte et que les âmes de tous ceux qu’il avait tués fussent venues se précipiter sur lui[1]. Il y avait dans l’air comme une soif de vengeance. Bientôt nous assisterons à l’un des intermèdes du grand drame céleste, où les âmes des égorgés, serrées sous l’autel de Dieu, crient à haute voix : « Jusques à quand, Seigneur, ne redemanderas-tu pas notre sang à ceux qui habitent la terre[2] ? » Et il leur sera donné une robe blanche, pour qu’ils attendent encore un peu.

    (cf. vers 130-136) ; mais le sibylliste semble parler ici d’un événement futur. S’il prophétisait post eventum, il verrait l’inanité de ce qu’il annonce comme un grand événement.

  1. Suétone, Néron, 48 ; Dion Cassius, LXIII, 28.
  2. Apoc., vi, 9 et suiv.