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On répète souvent, pour montrer l’irrémédiable immoralité des foules, que Néron fut populaire à quelques égards. Le fait est qu’il y eut sur son compte deux courants d’opinion opposés[1]. Tout ce qu’il y avait de sérieux et d’honnête le détestait ; les gens du bas peuple l’aimèrent, les uns naïvement et par le sentiment vague qui porte le pauvre plébéien à aimer son prince, s’il a des dehors brillants[2] ; les autres, parce qu’il les enivrait de fêtes. Durant ces fêtes, on le voyait mêlé à la foule, dînant, mangeant au théâtre, au milieu de la canaille[3]. Ne haïssait-il pas, d’ailleurs, le sénat, la noblesse romaine, dont le caractère était si rude, si peu populaire ? Les viveurs qui l’entouraient étaient au moins aimables et polis. Les soldats des gardes conservèrent aussi toujours de l’affection pour lui. Longtemps on trouva son tombeau orné de fleurs fraîches, et ses images déposées aux Rostres par des mains inconnues[4]. L’origine de la fortune d’Othon fut qu’il avait été son confident, et qu’il imitait ses manières. Vitellius, pour se faire accepter à Rome, affecta aussi hautement de prendre

  1. Josèphe, Ant., XX, viii, 3.
  2. Suétone, Néron, 56.
  3. Suétone, Néron, 20, 22 ; Tacite, Hist., I, 4, 5, 16, 78 ; II, 95 ; Dion Cassius, LXIII, 10.
  4. Suétone, Néron, 57.