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Son esprit drolatique, son argot de gamin ne l’abandonnèrent pas. On voulut le blottir dans un trou à pouzzolane comme on en voit beaucoup en ces parages. Ce fut pour lui l’occasion d’un mot à effet ! « Quelle destinée ! dit-il ; aller vivant sous terre ! » Ses réflexions étaient comme un feu roulant de citations classiques, entremêlées des lourdes plaisanteries d’un bobèche aux abois. Il avait sur chaque circonstance une réminiscence littéraire, une froide antithèse : « Celui qui autrefois était fier de sa suite nombreuse n’a plus maintenant que trois affranchis. » Par moments, le souvenir de ses victimes lui revenait, mais n’aboutissait qu’à des figures de rhétorique, jamais à un acte moral de repentir. Le comédien survivait à tout. Sa situation n’était pour lui qu’un drame de plus, un drame qu’il avait répété. Se rappelant les rôles où il avait figuré des parricides, des princes réduits à l’état de mendiants, il remarquait que maintenant il jouait tout cela pour son compte, et chantonnait ce vers qu’un tragique avait mis dans la bouche d’Œdipe :


Ma femme, ma mère, mon père
Prononcent mon arrêt de mort[1].



Incapable d’une pensée sérieuse, il voulut qu’on creu-

  1. Dion Cassius, LXIII, 28 (cf. Suét., Néron, 46).