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gens qui s’en créaient une spécialité lucrative. Ces prix, dont les vainqueurs faisaient montre comme d’espèces de décorations, empêchaient de dormir le césar vaniteux ; il se voyait déjà rentrant à Rome en triomphe avec le titre extrêmement rare de periodonice ou vainqueur dans le cycle complet des jeux solennels[1].

Sa manie de chanteur arrivait au comble de la folie[2]. Une des raisons de la mort de Thraséa fut qu’il ne sacrifiait pas à la « voix céleste » de l’empereur[3]. Devant le roi des Parthes, son hôte, il ne voulut se faire valoir que par son talent à la course des chars[4]. On montait des drames lyriques où il avait le principal rôle, et où les dieux, les déesses, les héros, les héroïnes étaient masqués et drapés à son image et à l’image de la femme qu’il aimait. Il jouait ainsi Œdipe, Thyeste, Hercule, Alcméon, Oreste, Canacé ; on le voyait sur la scène enchaîné (de chaînes d’or), guidé comme un aveugle, imitant un fou, faisant le personnage d’une femme qui accouche. Un de ses derniers projets fut de paraître au

  1. Voir Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1872, p. 114 et suiv. Cf. Dion Cassius, LXIII, 8, 20, 21.
  2. Suétone, Néron, 6, 7, 20, 22, 40, 41, 42, 44, 47 ; Dion Cassius, LXIII, 26, 27 ; Eusèbe, Chron., à l’année 64 ; Carmina sibyll., V, 140-141.
  3. Tacite, Ann., XVI, 22 ; Dion Cassius, LXII, 26.
  4. Dion Cassius, LXIII, 6.