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L’épidémie de massacres s’étendit jusqu’à l’Égypte. La haine des Juifs et des Grecs était là portée à son comble. Alexandrie était à moitié une ville juive ; les Juifs y formaient une vraie république autonome[1]. L’Égypte avait justement depuis quelques mois pour préfet un juif, Tibère Alexandre[2], mais un juif apostat, peu disposé à être indulgent pour le fanatisme de ses coreligionnaires. La sédition éclata à propos d’une réunion dans l’amphithéâtre. Les premières injures vinrent, à ce qu’il paraît, des Grecs. Les Juifs y répondirent d’une atroce manière. S’armant de torches, ils menacèrent de brûler dans l’amphithéâtre[3] les Grecs jusqu’au dernier. Tibère Alexandre essaya en vain de les calmer. Il fallut faire venir les légions ; les Juifs résistèrent ; le carnage fut effroyable. Le quartier juif d’Alexandrie qu’on appelait le Delta fut à la lettre encombré de cadavres ; on porta le nombre des morts à cinquante mille.

Ces horreurs durèrent environ un mois. Au nord, elles s’arrêtèrent à la hauteur de Tyr ; car au delà les juiveries n’étaient pas assez considérables pour faire

  1. Strabon, cité par Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2.
  2. Mém. de l’Acad. des inscr. et belles-lettres, t. XXVI, 1re part., p. 296 et suiv.
  3. Les amphithéâtres à cette époque étaient en bois. V. ci-dessus, p. 164, note 1.