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de mire de la contradiction et de l’antipathie ; antipathie féconde qui a été l’une des conditions du progrès de l’humanité ! Au premier siècle de notre ère, il semble que le monde eût une conscience obscure de ce qui se passait. Il voyait son maître dans cet étranger gauche, susceptible, timide, sans noblesse extérieure, mais honnête, moral, appliqué, droit en affaires, doué des vertus modestes, non militaire, mais bon marchand, ouvrier souriant et rangé. Cette famille juive, illuminée d’espérance, cette synagogue où la vie en commun était pleine de charme, faisaient envie. Tant d’humilité, une acceptation si tranquille de la persécution et de l’avanie, une façon si résignée de se consoler de n’être pas du grand monde parce qu’on a une compensation dans sa famille et son Église, une douce gaieté comme celle qui de nos jours distingue en Orient le raïa et lui fait trouver son bonheur en son infériorité même, en ce petit monde où il est d’autant plus heureux qu’il souffre au dehors persécution et ignominie, — tout cela inspirait à l’aristocratique antiquité des accès de profonde mauvaise humeur, qui parfois aboutissaient à des brutalités odieuses.

L’orage commença de gronder à Césarée[1], presque au moment même où la révolution achevait de se

  1. Josèphe, B. J., II, xviii, 1-8 ; Vita, 6.