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rien à les établir. Là est le grand malentendu impliqué dans les prétentions israélites. L’étranger toléré peut être utile à un pays, mais à condition que le pays ne se laisse pas envahir par lui. Il n’est pas juste de réclamer les droits de membre de la famille dans une maison qu’on n’a pas bâtie, comme le font ces oiseaux qui viennent s’installer dans un nid qui n’est pas le leur, ou comme ces crustacés qui prennent la coquille d’une autre espèce[1].

Le juif a rendu au monde tant de bons et tant de mauvais services, qu’on ne sera jamais juste pour lui. Nous lui devons trop, et en même temps nous voyons trop bien ses défauts, pour n’être pas impatientés de sa vue. Cet éternel Jérémie, cet « homme de douleurs », se plaignant toujours, présentant le dos aux coups avec une patience qui nous agace ; cette créature étrangère à tous nos instincts d’honneur, de fierté, de gloire, de délicatesse et d’art ; ce personnage si peu soldat, si peu chevaleresque, qui n’aime ni la Grèce, ni Rome, ni la Germanie, et à qui pourtant nous devons notre religion, si bien que le juif a le droit de dire au chrétien : « Tu es un juif de petit aloi ; » cet être a été posé comme le point

  1. Certains docteurs avouent naïvement que le devoir d’Israël est d’observer la Loi, et qu’alors Dieu fait travailler le reste du monde pour lui. Talm. de Bab., Berakoth, 35 b.