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Depuis la condamnation de Jésus, depuis que les martyrs se sont trouvés avoir eu gain de cause dans leur révolte contre la loi, il y a toujours eu, en fait de crimes sociaux, comme un appel secret de la chose jugée. Pas de condamné qui n’ait pu dire : « Jésus aussi fut frappé ; les martyrs furent tenus pour des hommes dangereux dont il fallait purger la société, et pourtant les siècles suivants leur ont donné raison. » Grave blessure pour ces lourdes affirmations par lesquelles une société cherche à se figurer que ses ennemis manquent de toute raison et de toute moralité !

Après le jour où Jésus expira sur le Golgotha, le jour de la fête des jardins de Néron (on peut le fixer vers le 1er août de l’an 64) fut le plus solennel dans l’histoire du christianisme. La solidité d’une construction est en proportion de la somme de vertu, de sacrifices, de dévouement qu’on a déposée dans ses bases. Les fanatiques seuls fondent quelque chose ; le judaïsme dure encore, à cause de la frénésie intense de ses prophètes, de ses zélateurs ; le christianisme, à cause du courage de ses premiers témoins. L’orgie de Néron fut le grand baptême de sang qui désigna Rome, comme la ville des martyrs, pour jouer un rôle à part dans l’histoire du christianisme, et en être la seconde ville sainte. Ce fut la prise de posses-