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s’est converti sans autre raison que celle-là ; en Orient même, on a vu des imposteurs mentir pour le plaisir de mentir et d’être victimes de leur mensonge. Il n’y a pas de sceptique qui ne regarde le martyr d’un œil jaloux, et ne lui envie le bonheur suprême, qui est d’affirmer quelque chose. Un secret instinct nous porte, d’ailleurs, à être avec ceux qui sont persécutés. Quiconque s’imagine arrêter un mouvement religieux ou social par des mesures coercitives fait donc preuve d’une complète ignorance du cœur humain, et témoigne qu’il ne connaît pas les vrais moyens d’action de la politique.

Ce qui est arrivé une fois peut arriver encore. Tacite se fût détourné avec indignation, si on lui eût montré l’avenir de ces chrétiens qu’il traitait de misérables. Les honnêtes Romains se fussent récriés, si quelque observateur doué d’esprit prophétique eût osé leur dire : « Ces incendiaires seront le salut du monde. » De là une objection éternelle contre le dogmatisme des partis conservateurs, un gauchissement sans remède de la conscience, une secrète perversion du jugement. Des misérables, honnis par tous les gens comme il faut, sont devenus des saints. Il ne serait pas bon que les démentis de cette sorte fussent fréquents. Le salut de la société veut que ses sentences ne soient pas trop souvent réformées.