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et voyaient un aussi grand crime dans le fait de regarder ou de porter une image que dans celui de la sculpter. D’autres refusaient de passer par une porte de ville surmontée d’une statue[1]. Tout cela provoquait les railleries et le mauvais vouloir du peuple. Peut-être les discours des chrétiens sur la grande conflagration finale[2], leurs sinistres prophéties, leur affectation à répéter que le monde allait bientôt finir, et finir par le feu, contribuèrent-ils à les faire prendre pour des incendiaires. Il n’est même pas inadmissible que plusieurs fidèles aient commis des imprudences et qu’on ait eu des prétextes pour les accuser d’avoir voulu, en préludant aux flammes célestes, justifier à tout prix leurs oracles. Quel piaculum, en tout cas, pouvait être plus efficace que le supplice de ces ennemis des dieux ? En les voyant atrocement torturer, le peuple dirait : « Ah ! sans doute, voilà les coupables ! » Il faut se rappeler que l’opinion publique regardait comme choses avérées les crimes les plus odieux que l’on prêtait aux chrétiens[3].

Repoussons bien loin de nous l’idée que les pieux disciples de Jésus aient été coupables à un degré

  1. Philosophumena, IX, 26. « Non Cæsaribus honor. » Tac., Hist., V, 5.
  2. Comp. Carmina sibyllina, IV, 172 et suiv. (morceau écrit vers l’an 75). Cf. II Petri, iii, 7-13.
  3. Tacite, Ann., XV, 44.