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après avoir réussi, de douter si la cause qu’ils ont servie valait tant de sacrifices. Beaucoup osent se dire, au fort de l’action, que le jour où l’on commence à être sage est celui où, délivré de tout souci, on contemple la nature et l’on jouit. Bien peu du moins échappent aux tardifs regrets. Il n’y a guère de personne dévouée, de prêtre, de religieuse qui, à cinquante ans, ne pleure son vœu, et néanmoins ne persévère. Nous ne comprenons pas le galant homme sans un peu de scepticisme ; nous aimons que l’homme vertueux dise de temps à autre. « Vertu, tu n’es qu’un mot ; » car celui qui est trop sûr que la vertu sera récompensée n’a pas beaucoup de mérite ; ses bonnes actions ne paraissent plus qu’un placement avantageux. Jésus ne fut pas étranger à ce sentiment exquis ; plus d’une fois il semble que son rôle divin lui pesa. Sûrement, il n’en fut point ainsi pour saint Paul ; il n’eut pas son agonie de Gethsémani, et c’est une des raisons qui nous le rendent moins aimable. Tandis que Jésus posséda au plus haut degré ce que nous regardons comme la qualité essentielle d’une personne distinguée, je veux dire le don de sourire de son œuvre, d’y être supérieur, de ne pas s’en laisser obséder, Paul ne fut pas à l’abri du défaut qui nous choque dans les sectaires ; il crut lourdement. Nous voudrions que par moments, comme nous,