Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sidéraient comme victimes des infidèles. « Pauvre » passait pour synonyme de « saint[1] ».


Maintenant, riches, pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Vos richesses sont pourries ; vos habits sont mangés aux vers ; votre or, votre argent sont rouilles ; leur rouille rendra témoignage contre vous[2], et mangera vos chairs comme un feu. Vous avez thésaurisé dans les derniers jours[3] ! Voilà que le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos campagnes crie, et la voix des faucheurs est venue jusqu’aux oreilles du Seigneur Sabaoth. Vous avez fait bonne chère sur la terre, vous avez vécu dans les délices ; vous avez été comme les bêtes, qui mangent le jour où on doit les égorger. Vous avez condamné, vous avez tué le juste qui ne vous résistait pas[4].


On sent déjà fermenter dans ces curieuses pages l’esprit des révolutions sociales qui allaient dans quelques années ensanglanter Jérusalem. Nulle part ne s’exprime avec autant de force le sentiment d’aversion pour le monde qui fut l’âme du christianisme primitif. « Se garder immaculé du monde »

  1. Voir Vie de Jésus, p. 187 et suiv. (13e édit.).
  2. Cette rouille prouve, en effet, que le riche est avare et amasse depuis très-longtemps.
  3. Thésauriser, quand la fin du monde est si évidemment proche, ne peut passer que pour de la folie.
  4. Jac., v, 1 et suiv.