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le peuple, les progrès étaient extraordinaires ; on eût dit une inondation, quelque temps endiguée, qui faisait irruption[1]. L’Église de Rome était déjà tout un peuple[2]. La cour et la ville commençaient sérieusement à parler d’elle ; ses progrès furent quelque temps la nouvelle du jour[3]. Les conservateurs songeaient avec une sorte de terreur à ce cloaque d’immondices qu’ils se figuraient dans les bas-fonds de Rome ; ils parlaient avec colère de ces espèces de mauvaises herbes indéracinables, qu’on arrache toujours, qui repoussent toujours[4].

Quant à la populace malveillante, elle rêvait des forfaits impossibles pour les attribuer aux chrétiens. On les rendait responsables de tous les malheurs publics. On les accusait de prêcher la révolte contre l’empereur et de chercher à soulever les esclaves[5]. Le chrétien arrivait à être dans l’opinion ce que fut par moments le juif du moyen âge, le bouc émissaire de toutes les calamités, l’homme qui ne

  1. « Rursus erumpebat. » Tacite, Ann., XV, 44.
  2. « Multitudo ingens. » Tacite, ibid.
  3. « Genus hominum superstitionis novæ ac maleficæ. » Suétone, Néron, 16.
  4. « Genus hominum in civitate nostra et vetabitur semper et retinebitur. » Tac., Hist., I, 22 ; cf. Ann., XII, 52. Κολουσθὲν μὲν πολλάκις, αὐξηθὲν δὲ ἐπὶ πλεῖστον. Dion Cassius, XXXVII, 17.
  5. Rom., xiii, 1 et suiv. ; I Petri, ii, 13, 18.