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dépourvue de liens moraux, surtout parmi les classes populaires, que l’État et la religion négligeaient également. Là est la grande leçon qui sort de cette histoire pour notre siècle : les temps se ressemblent ; l’avenir appartiendra au parti qui prendra les classes populaires et les élèvera. Mais, de nos jours, la difficulté est bien plus grande qu’elle ne l’a jamais été. Dans l’antiquité, sur les bords de la Méditerranée, la vie matérielle pouvait être simple ; les besoins du corps étaient secondaires et facilement satisfaits. Chez nous, ces besoins sont nombreux et impérieux ; les associations populaires sont attachées à la terre comme par un poids de plomb.

C’était surtout le festin sacré, le « repas du Seigneur[1] » qui avait une immense efficacité morale ; on le considérait comme un acte mystique par lequel tous étaient incorporés au Christ et par conséquent réunis en un même corps. Il y avait là une perpétuelle leçon d’égalité, de fraternité. Les paroles sacramentelles que l’on rapportait à la dernière cène de Jésus étaient présentes à tous. On croyait que ce pain, ce vin, cette eau, c’était la chair et le sang de Jésus lui-même[2]. Ceux qui y participaient étaient censés

  1. I Cor., xi, 20 et suiv., épître de Jude, 12.
  2. I Cor., xi, 23 et suiv. ; Justin, Apol. I, 66.