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se compromettre[1]. Une lettre saisie aurait suffi pour amener d’atroces persécutions. Ici, comme sur d’autres points, l’habitude qu’avaient les premiers chrétiens de ne pas écrire certaines choses nous crée d’irrémédiables obscurités. On a supposé que le personnage en question est l’empereur Claude, et l’on a vu dans l’expression de Paul un jeu de mots sur son nom (Claudius = qui claudit = ὁ κατέχων). À la date où cette lettre fut écrite, en effet, la mort du pauvre Claude, circonvenu de lacs mortels par la scélérate Agrippine, pouvait sembler n’être qu’une question de temps ; tout le monde s’y attendait ; l’empereur lui-même en parlait ; de sombres pressentiments s’élevaient de toutes parts ; des prodiges naturels, comme ceux qui, quatorze ans plus tard, frappèrent si fort l’auteur de l’Apocalypse, obsédaient l’imagination populaire. On parlait avec effroi de fœtus monstrueux, d’une truie qui avait mis bas un petit à ongles d’épervier[2] ; tout cela faisait trembler pour l’avenir. Les chrétiens participaient comme gens du peuple à ces terreurs ; les pronostics et la crainte superstitieuse des fléaux naturels étaient

  1. L’Apocalypse est pleine de précautions semblables.
  2. Tacite, Ann., XII, 64 ; Suétone, Claude, 43 et suiv. ; Dion Cassius, LX, 34-35.