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autres hommes ont pour ce qu’ils affectionnent le plus[1]. C’était là un don spécial des Juifs. L’esprit d’association qui les remplissait leur faisait donner à l’esprit de famille des applications toutes nouvelles. La synagogue, l’église, étaient alors ce que le couvent sera au moyen âge, la maison aimée, le foyer des grandes affections, le toit où l’on abrite ce que l’on a de plus cher.

Paul communiqua son dessein à Barnabé. Mais l’amitié des deux apôtres, qui jusque-là avait résisté aux plus fortes épreuves, qu’aucune susceptibilité d’amour-propre, aucun travers de caractère n’avait pu diminuer, reçut cette fois une atteinte cruelle. Barnabé proposa à Paul d’emmener Jean-Marc avec eux ; Paul s’emporta. Il ne pardonnait point à Jean-Marc d’avoir abandonné la première mission à Perge, au moment où elle entrait dans la partie la plus périlleuse du voyage. L’homme qui avait une fois refusé d’aller à l’ouvrage lui paraissait indigne d’être enrôlé de nouveau. Barnabé défendait son cousin, dont il est probable, en effet, que Paul jugeait les intentions avec trop de sévérité. La querelle en vint à beaucoup de vivacité ; il fut impossible de s’entendre[2]. Cette vieille amitié, qui avait

  1. II Cor., xi, 2.
  2. Act., xv, 37-39.