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Quand les portes étaient fermées, et que tous étaient obsédés de leur idée fixe, le premier qui croyait entendre le doux mot schalom « salut » ou « paix », donnait le signal. Tous écoutaient et entendaient bientôt la même chose. C’était alors une grande joie pour ces âmes simples de savoir le maître au milieu d’elles. Chacun savourait la douceur de cette pensée, et se croyait favorisé de quelque colloque intérieur. D’autres visions étaient calquées sur un autre modèle, et rappelaient celle des voyageurs d’Emmaüs. Au moment du repas, on voyait Jésus apparaître, prendre le pain, le bénir, le rompre et l’offrir à celui qu’il favorisait de sa vision[1]. En quelques jours, un cycle entier de récits, fort divergents dans les détails, mais inspirés par un même esprit d’amour et de foi absolue, se forma et se répandit. C’est la plus grave erreur de croire que la légende a besoin de beaucoup de temps pour se faire. La légende naît parfois en un jour. Le dimanche soir (16 de nisan, 5 avril), la résurrection de Jésus était tenue pour une réalité. Huit jours après, le caractère de la vie d’outre-tombe qu’on fut amené à concevoir pour lui était arrêté quant aux traits essentiels.

  1. Luc, xxiv, 41-43 ; Évangile des hébreux, dans saint Jérôme, De viris illustribus, 2 ; finale de Marc, dans saint Jérôme, Adv. Pelag., II.