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bruits qui se produisaient par hasard étaient interprétés dans le sens de l’attente universelle. L’attente crée d’ordinaire son objet[1]. Pendant un instant de silence, quelque léger souffle passa sur la face des assistants. A ces heures décisives, un courant d’air, une fenêtre qui crie, un murmure fortuit, arrêtent la croyance des peuples pour des siècles. En même temps que le souffle se fit sentir, on crut entendre des sons. Quelques-uns dirent qu’ils avaient discerné le mot schalom « bonheur » ou « paix ». C’était le salut ordinaire de Jésus et le mot par lequel il signalait sa présence. Nul doute possible ; Jésus est présent ; il est là dans l’assemblée. C’est sa voix chérie ; chacun la reconnaît[2]. Cette imagination était d’autant plus facile à accepter que Jésus leur avait dit que, toutes les fois

  1. Dans une île vis-à-vis de Rotterdam, dont la population est restée attachée au calvinisme le plus austère, les paysans sont persuadés que Jésus vient, à leur lit de mort, assurer ses élus de leur justification ; beaucoup le voient en effet.
  2. Pour concevoir la possibilité de pareilles illusions, il suffit de se rappeler les scènes de nos jours où des personnes réunies reconnaissent unanimement entendre des bruits sans réalité, et cela, avec une parfaite bonne foi. L’attente, l’effort de l’imagination, la disposition à croire, parfois des complaisances innocentes, expliquent ceux de ces phénomènes qui ne sont pas le produit direct de la fraude. Ces complaisances viennent, en général, de personnes convaincues, animées d’un sentiment bienveillant, ne voulant pas que la séance finisse mal, et désireuses de tirer d’embarras les maîtres de la maison. Quand on croit au miracle, on y